Bachelière en communication profil télévision depuis avril 2014 et employée d’une boite de communications depuis juin de la même année, il était certain que ma synthèse allait porter sur les apports, négatifs et positifs, du web social dans mon milieu de travail. Dans un domaine qui est en constante expansion comme celui des communications, où les réseaux sociaux et tout ce qui les englobe sont partie intégrante de ce milieu, il est évident que le phénomène du web social a de très grands impacts sur l’évolution de celui-ci depuis déjà quelques années, mais en aura d’autant plus dans les années à venir.
L’ère du web social
C’est à la grande révolution du domaine de l’informatique et du développement Internet vers la fin des années 80 qu’on doit ce qu’on appelle aujourd’hui les réseaux sociaux. En fait, ces avancées étaient le point de départ du web social comme on le connait aujourd’hui, la naissance d’un nouveau mode de communications, de partage et de création de contenu, de données et d’informations. De 26 sites enregistrés en 1992 à 45 millions en 2004, l’ascension de la popularité de ce phénomène est exponentielle!
Le concept du « Web 2.0 » popularisé par Tim O’Reilly en 2004 qui facilite le lien entre les utilisateurs ayant de faibles connaissances techniques et les informations ouvre la porte sur l’accessibilité du web pour tous. Ces notions de communications se font de plus en plus populaires et le partage de contenu voit son ascension devenir encore plus fulgurante avec l’arrivée de MySpace en 2003 et Facebook en 2004. Dès lors, il ne suffit que d’une simple inscription sur une plate-forme très simpliste pour obtenir son propre compte, soit un outil de publication et d’informations à la portée de tous. Alors qu’avant, seuls ceux qui possédaient de bonnes connaissances en informatique avaient le pouvoir d’accéder aux informations du web, voilà qu’il est maintenant accessible à monsieur et madame tout le monde.
Dans le milieu professionnel, on assiste également à de grands changements, notamment avec la popularisation des blogues. Voyant que ce médium plait au public, les professionnels tels que les journalistes, avocats, professeurs et autres se sont lancés dans l’écriture d’un blogue pour atteindre le plus de gens possible en rendant l’information accessible et dans la plupart des cas, gratuite. Les blogues sont devenus un réel outil de travail, aidant ceux qui les utilisent dans le développement de leur domaine respectif et dans la diffusion de leurs idées.
Partage des informations
Dans le milieu des communications, le partage des informations par le web social a eu un impact majeur sur les emplois depuis quelques années. Premièrement, on assiste à la création de nouveaux postes, comme gestionnaire de communauté sur les réseaux sociaux, qui a pour tâche de créer, de développer et d’animer des communautés sur internet pour le compte d’une entreprise ou d’une marque.
Dans le cadre de son enquête NETendances 2012, le CEFRIO nous informe que 78,1% des internautes québécois utilisent les médias sociaux régulièrement.
(Collège CDI. « Nouveaux Métiers De L’ère Numérique : Le Gestionnaire De Communauté Web. » Nouveaux Métiers De L’ère Numérique : Le Gestionnaire De Communauté Web. N.p., n.d. Web. 10 Jan. 2015.)
De nos jours, une entreprise ou quiconque désirant se faire connaitre se doit de suivre les tendances sur le web pour rester dans la concurrence et du fait même, avoir sa propre communauté sur les réseaux sociaux. Le hic, c’est que ces personnes ne savent pas toujours comment s’y prendre et la gestion de ces communautés est un art en soi, c’est pourquoi ils font appel à des professionnels en la matière. Si nous reculons de 15 ans, un métier tel que consultant en marketing Facebook nous paraitrait dérisoire et pourtant, de nos jours, ceux qui l’exerce gagnent très bien leur vie.
La mobilisation du public sur le web social offre également une toute nouvelle facette du partage des informations. Avec ce nouveau phénomène, on est loin de la notion linguistique de « degré zéro », telle que mentionnée par le sémiologue français Roland Barthes, qui se veut une forme d’écriture neutre et d’un mode de publication d’un vers plusieurs (one-to-many). Depuis cette époque, on a pu assister à l’arrivée des journaux, de la radio et de la télévision qui permet à celui qui écrit ou qui prend la parole de rejoindre un grand nombre de gens. Jusqu’à il y a quelques années, ce mode de communication se voulait unidirectionnel, car le seul à prendre part à l’information était l’émetteur, laissant le récepteur seul avec sa vision et ses commentaires. Or, avec l’expansion du web social, le nouveau modèle de communication est plutôt qualifié de « many-to-many », impliquant plusieurs émetteurs qui rejoignent plusieurs récepteurs. La conversation se veut alors bidirectionnelle, car elle permet au récepteur de prendre part à celle-ci en y ajoutant ses commentaires ou en partageant l’information avec d’autres récepteurs en y incluant son propre point de vue. On assiste également à la naissance de plusieurs groupes qui partagent intérêts et points de vue sur un sujet donné, qui peuvent facilement être trouvé par l’entremise d’un système de tagging ou de hashtag, comme le démontre cet exemple sur Twitter avec les tristes événements qui se sont déroulés dans la salle de rédaction du journal Charlie Hebdo à Paris:
Ainsi, considérant ces changements, le terme utilisé pour désigner ces gens qui prennent part au web devrait être modifié d’internaute à « webacteur ». Derrière leur écran, les gens ne sont plus que de simples navigateurs, ils échangent à leur tour sur le contenu, en créent et en partagent. Ce nouveau mode de communication serait également un avantage d’un point de vue social :
«Selon Adler et Kwon (2002) les réseaux sociaux permettent d’échanger des ressources sans terme fixe ni contrat explicite. Ce mode de coordination se caractérise par sa grande flexibilité ce qui facilite l’adaptation aux circonstances. De plus, il permet l’échange de ressources complexes et difficiles à spécifier comme le soutien social, le soutien affectif et surtout, la connaissance. En cela, ce mode de coordination peut être considéré comme supérieur au contrat. »
(Baret Christophe et al., « Management et réseaux sociaux Jeux d’ombres et de lumières sur les organisations », Revue française de gestion 4/ 2006 (no 163), p. 93-93)
Intelligence collective
Dans l’article Le Web à la puissance 2 : le Web 2.0 cinq ans plus tard publié par Tom Reilly en 2009, l’auteur affirme que les applications en réseau qui réussissent sont des systèmes exploitant l’intelligence collective. En fait, cela expliquerait le sens du terme « crowdsourcing », à savoir que la contribution de plusieurs individus dans la création d’une oeuvre collective dépasse largement la valeur de celle créée par un seul individu. En lien avec les métiers du domaine de la communication, comme le journalisme par exemple, ce phénomène est à double tranchant. En premier lieu, il peut servir de source inépuisable de points de vue, d’information et d’échanges sur un sujet donné, mais il peut également s’avérer comme un concurrent de taille dans un ratio 1: une communauté. Les gens ne se gênent pas pour discréditer les articles des journalistes en commentaires, ce qui suscite beaucoup de questions de la part des lecteurs à savoir si le journaliste est crédible ou non. Ainsi, si nous prenons la par exemple La Presse écrite, elle a à mon avis pris un grand coup au niveau de sa popularité avec l’arrivée du web social et du partage de contenu, car elle est non seulement en concurrence avec les autres médiums tels que la télévision et la radio ainsi que les autres journaux écrits, mais également avec un nouvel acteur dans l’équation : tous les auteurs du web social. Toujours avec l’exemple de La Presse, on peut voir les changements radicaux qui ont été apportés pour rester dans la course, soit d’offrir une plate-forme web en plus du contenu exclusif aux membres de la Presse + accessible via tablettes numériques ou téléphones intelligents. Ils ont pris conscience de la demande et des tendances et se sont ajustés en conséquence. Il reste néanmoins un public pour la forme écrite de La Presse, mais celui-ci est en décroissance et tombera un jour en minorité.
Décentralisation de la télévision vers le web
J’ai abordé plus haut la création de nouveaux emplois dans le domaine de la communication. Évidemment, qui dit créations de nouveaux emplois dits aussi abolition de postes plus traditionnels. C’est notamment le cas dans le secteur de la télévision où les coupures multiples et considérables affectent des milliers de gens, particulièrement ici au Québec comme c’est le cas avec Radio-Canada. Il s’avère que le diffuseur public voudrait imiter les diffuseurs privés au jeu de la rentabilité, seulement, ce n’est pas du tout le rôle de la SRC. C’est par souci d’offrir un contenu différent à public canadien qu’on assiste à des coupures en grand nombre au niveau de l’information, qui est pourtant le rôle premier de la Société Radio-Canada depuis maintenant 78 ans. D’ici 2020, c’est de 1000 à 1500 emplois qui seront abolis au sein de la SRC, résultat d’une baisse significative de la production de contenu à l’interne et de l’offre télévisuelle. La Société d’État préfère se concentrer sur le numérique… Un exemple parfait qui démontre les impacts, cette fois-ci négatifs, du web social dans le domaine de la communication. En voulant suivre les tendances et par soucis économiques qui règnent malheureusement dans toutes les sphères du milieu de la communication, la SRC vient qu’à oublier son rôle, laissant tomber de fidèles téléspectateurs ainsi que les employés qui ont tous contribué à la réussite du diffuseur par leur travail acharné et leur rigueur.
« C’est une chose de prendre le virage numérique, mais une telle réduction de la taille du diffuseur public, c’est l’abandon du mandat du diffuseur public. »— Alex Levasseur, président du SCRC (syndicat des communications de Radio-Canada)
Entre mars 2009 et 2014, c’est déjà plus de 2000 postes qui ont été coupés chez Radio-Canada. C’est malheureux de voir que nous sommes rendus à ère où dans ce cas-ci, nous ne pouvons plus faire la distinction entre service public et satisfaction du consommateur. De plus, selon de nombreuses conventions collectives, c’est l’ancienneté qui prime lors des coupures, ce qui veut dire que la nouvelle génération de jeunes travailleurs tout droit sortis de l’école est celle qui sera le plus pénalisée dans les années à venir.
Bien que ce soit le cas avec la télévision, nous pouvons également imager le même phénomène avec les journaux en reprenant notre exemple avec La Presse. Comme les dirigeants du journal doivent diriger une bonne partie du budget sur les médiums numériques, ils doivent également balancer ces ajouts par des coupures au budget des employés de la Presse écrite. Le nouveau poste occupé par un professionnel de l’intégration numérique vient ainsi avec la congédiement d’une personne affectée au journal écrit. Moins de copies écrites vendues = moins de distribution, et ça, même le camelot en souffre. Le journal ne reste pas moins populaire pour autant, les statistiques web sont très concluantes, il s’est seulement adapté à l’ère moderne.
Dans 5 ans
On peut en ce moment même bien s’imaginer les impacts du web social dans le domaine des communications dans 5 ans, car plusieurs de ces changements sont déjà enclenchés. Premièrement, comme les coupures qui se font présentement et celles qui sont à venir font que les emplois pour les jeunes diplômés en communication sont difficiles à obtenir, ces jeunes n’auront pas d’autres choix que de créer un profil multifacettes. Les dirigeants des entreprises vont vouloir un employé qui répond à plusieurs critères et qui a l’expertise d’accomplir plusieurs tâches. Ils vont remplacer les employés actuels qui ont un champ d’expertise par des jeunes qui savent en faire plus que ça, car la concurrence est forte et les étudiants devront suivre cette tendance s’ils espèrent gagner leur vie dans le domaine des communications et faire leur propre chemin. Au niveau de l’éducation dans le milieu des communications, je crois également que les écoles vont tranquillement se mettre à revoir tous leurs programmes pour les adapter à l’ère du web, on assistera alors au début de la fin des programmes plus traditionnels comme on les connait actuellement. Pour la télévision, on doit encore s’attendre à de nombreuses coupures:
« C’est une stratégie qui nous mène tout droit vers la disparition », déplore le président du Syndicat des communications de Radio-Canada (SCRC), Alex Levasseur. Ce dernier a annoncé aux employés de la société que leur nombre diminuerait de 25 % d’ici 2020.
« Restructuration De Radio-Canada : Une Catastrophe, Selon Les Syndicats | ICI.Radio-Canada.ca. » Radio-Canada.ca. Société Radio-Canada, 26 June 2014. Web. 11 Jan. 2015.
Je crois également que tout le contenu télévisuel sera maintenant accessible en ligne d’ici 5 ans, via des bandes passantes sur les sites internet des diffuseurs. Plus besoin d’avoir le câble à la maison pour pouvoir regarder nos émissions, on pourra le faire pour n’importe quelle chaine en direct à partir de notre ordinateur. Ainsi, les enregistreurs pour ordinateurs deviendront de plus en plus populaires, remplaçant graduellement les enregistreurs numériques offerts par les compagnies de câble.
Dans 10 ans
D’ici 10 ans, c’est selon moi de nombreuses chaines de télévision câblées qui prendront le virage 100% web. Les contraintes matérielles du web sont dérisoires face à celles de la télévision et les coûts associés à la diffusion de contenu sous forme électronique sont si faibles qu’ils n’entrent presque plus dans l’équation. Comme le capital et le profit sont des aspects très présents et importants dans le milieu des communications, si un diffuseur a la chance d’amoindrir les couts de diffusion tout en reste concurrentiel, il est certain qu’il le fera. La concurrence sera plus présente que jamais, car de petites compagnies arriveront à sortir leur épingle du jeu à faible coût. Au niveau de l’éducation, les cours de technologie feront partie intégrante du cursus scolaire, en espérant que la sensibilisation aux effets négatifs d’une omniprésence du web social dans la vie des jeunes sera tout autant prisée. Les jeunes sont déjà différents des jeunes d’il y a 10 ans, les réseaux sociaux prennent beaucoup de place dans leur vie et leur offre un point de vue contradictoire sur les valeurs dites saines dans notre société, voire le jugement d’autrui et l’importance de la socialisation humaine. Si on ne veut pas une génération superficielle, où la confiance des jeunes est basée uniquement sur leur apparence ou leur popularité sur le web, il leur faut une éducation à ce sujet.
Dans 20 ans
D’ici 20 ans, je prévois l’extinction du médium papier. Les journaux comme nous les connaissons aujourd’hui ne seront que des reliques de notre enfance, comme le sont les vieux téléviseurs noirs et blancs pour la génération Y. Les cartes routières seront interactives, les menus des restaurants seront sur iPad et les livres scolaires le seront également. Tout le monde désirant se tenir informé sera doté d’un appareil du genre, porte d’entrée sur tout le contenu informatif du quotidien. Alors que les liseuses sont de plus en plus populaires aujourd’hui, en 2015, d’ici 2035 les livres en papier ne seront alors que décoration, puisque les nouvelles publications se feront uniquement de manière électronique. Et finalement, même la notion de territoire comme on la connait actuellement s’estompera:
« La « carte politique » du monde, avec ses frontières tracées entre territoires nationaux, demeure importante. Mais il est désormais possible d’entrevoir ce que pourrait être un monde « post-national », dans lequel le territoire n’a plus d’importance. »
Je conclus sur une note nostalgique, de voir que l’époque dans laquelle j’ai grandi ne sera que le début de la nouvelle ère qui nous attend. J’espère que malgré toute cette abondance technologie, les valeurs humaines ne se perdront pas et que c’est seulement pour le mieux que tous ces changements opèrent présentement. Un « like » ne remplacera jamais un sourire et un « skype » un souper en bonne compagnie, espérons seulement que les bibliothécaires auront leur place dans nos toutes nouvelles bibliothèques virtuelles.